CHAMEL ROUKOZ, L’HOMME DU TEMPS DES HEROS

L’Envers des Cartes (Carnets de géopolitique).
CHAMEL ROUKOZ, L’HOMME DU TEMPS DES HEROS
Il en est des choses de la guerre comme des choses de la culture. Le temps des héros n’est plus, qui donnait sens et vigueur mélancolique aux combats pour la survie de l’espèce et des rêves. Sauf peut-être au Liban, ce pays métaphore, qui fait de la rébellion et du courage, des valeurs glorieuses à opposer au terrorisme et à la lâcheté.
Avec l’accession à la présidence du Général Michel Aoun, le héros de Baabda, la terre sainte des poètes et des rêveurs, de Maurice Barrès à Salah Stétié, remet en lumière l’éthique et l’esthétique.

Entre retour vers l’infutur et déclinaison romantique de l’acte de guerre, le Liban donne à l’Occident une nouvelle image de sa capacité à réinventer les mythes au travers de la dévotion du peuple à la personnalité romantique du Général Chamel Roukoz. Etonnante dévotion qui ne doit rien au factuel et tout à la chanson de geste écrite à même la mémoire par un homme maniant le palimpseste aussi bien que le fusil d’assaut.

Visage de guerrier antique sculpté par les années d’aventure et de gloire, regard lointain de poète rebelle, attitude féline, l’homme ne porte plus l’uniforme depuis quelques mois. Mais tout en lui respire le militaire. A commencer par la concision du verbe et la vigueur du salut.

Le Général Chamel Roukoz, commandant du légendaire régiment Maghawir des Rangers libanais, a été de toutes les batailles du Liban depuis 1990 et la guerre de libération contre la Syrie et les milices. Officier d’exception et théoricien iconoclaste, soldat courageux, il détonne et interpelle en une époque où l’héroïsme n’est plus de mise. Supplanté par des concepts abscons et vains tels que la Réal Politique ou le Politiquement correct.

A l’instar d’ Epaminondas, le général thébain promoteur de la Légion sacrée de Thèbes et vainqueur hallucinant des batailles de Leuctres ( -371) et de Mantinée ( -362), Chamel Roukoz définit la guerre comme un acte citoyen au service de la seule patrie. Erigeant ses batailles en autant de manifestes métaphysiques devenus des référents littéraires et politiques pour une jeunesse recomposée autour de la notion de nation.

Batailles de Rass Baalbak, de Sidon, d’Arsal, mais surtout bataille de Nahr el-Bared, considérée comme la bataille des batailles de l’armée libanaise.

Durant 106 jours, du 20 mai au 2 septembre 2007, Chamel Roukoz et ses hommes affrontèrent dans d’effrayant combats les miliciens islamistes du Fath el-Islam. Guerre totale et décisive menée par une armée citoyenne face à une milice composée d’éléments aguerris venus de toute la nébuleuse terroriste.

De cette bataille devenue une légende fondatrice, suscitant une extraordinaire adhésion populaire, le Général Roukoz est revenu avec au cœur le désir de changer l’armée libanaise pour lui donner un jour les moyens matériels de lutter à armes égales. Le comble étant de voir les miliciens islamistes disposer régulièrement des armes les plus puissantes et les plus modernes face à une armée dont la majorité des équipements sont à la fois obsolètes et défaillants.

Désormais en route pour l’action politique, il sera candidat aouniste aux prochaines législatives, le Général a troqué l’uniforme des Rangers pour le complet veston. Mais rien ne change. Sinon la nature du combat. Et le héros de Nahr el-Bared se réfère toujours à Sun Tzu et à Clausewitz. L’Art de la guerre se déclinant pour lui comme une suite de préceptes citoyens à l’usage des forts. Négation des idéologies mortifères. Affirmation de la toute-puissance du patriotisme dans le contexte évanescent de la mondialisation totalitaire.

Gendre du Général Michel Aoun, ce qui fut longtemps un handicap, il avance à son rythme vers d’autres batailles. Avec en tête la saga mélancolique du Commandant Massoud, esthète et architecte autant que soldat citoyen.
Alors que le petit-grand Liban est enfin parvenu à l’unité en élisant le 31 octobre 2016 le Général Aoun à la Présidence de la République, l’autre Général prend conscience de son rôle. Sans excès d’enthousiasme. Avec une constante référence à ses hommes tombés au combat.

« Ils sont toujours avec moi. Ils seront toujours avec moi. La fidélité n’est pas seulement une valeur. C’est une nécessité. Comme le Liban. »

Salvatore Lombardo