Aoun s’en prend à ceux qui redoutent d’être représentés « à leur juste taille »

Le président libanais Michel Aoun a affirmé mardi devant le corps diplomatique que les prochaines élections législatives auront lieu sur la base d'une nouvelle loi électorale, estimant que la tenue de cette échéance est une priorité. Photo Dalati et Nohra

Il existe deux solutions au casse-tête d’une nouvelle loi électorale, a affirmé hier le président de la République, au cours d’une rencontre avec une délégation de l’ordre de la presse conduite par Aouni Kaaki.

« Dans le cas où l’on ne veut pas modifier les circonscriptions, a-t-il précisé, la première solution consiste à renvoyer tout candidat dont la communauté, dans cette circonscription, est inférieure à 30 % du corps électoral particulier, vers le mohafazat où il devra être élu à la proportionnelle. Les autres candidats seront élus au scrutin majoritaire. C’est une solution intermédiaire, et un pas vers la proportionnelle intégrale. Pour sa part, le président de la Chambre propose que l’élection se fasse en deux temps, et que le candidat à la députation soit élu d’abord par sa communauté. Nous avons accepté cette proposition, tout comme la première, comme solution médiane. »

Pour le reste, le chef de l’État a redit sa préférence pour la proportionnelle intégrale, critiquant toutes les parties qui refusent d’être représentées « à leur juste taille ». « Comme je l’ai dit aux membres du corps diplomatique venus pour le Nouvel An, ce que les camps politiques perdent en représentants, le Liban le gagne en stabilité », a-t-il rappelé.

Entre la loi électorale de 1960 et « le vide », le président a répété qu’il choisira « le vide », sans préciser ce qui adviendra d’un pays sans Parlement. « Près de 87 % des Libanais souhaitent une nouvelle loi électorale, et je ne peux les décevoir », a dit en substance le chef de l’État, précisant qu’il est favorable à un référendum sur la question, malgré l’objection de ceux qui affirment que rien dans la Constitution ne le prévoit. « Oui, mais rien ne l’interdit non plus », a-t-il enchaîné.

Louis XIV, Colbert et Mazarin

Sur le plan fiscal, relancé sur l’intention du ministre des Finances d’augmenter de 1 % le taux de la TVA, le chef de l’État a d’abord gardé le silence, puis fait une moue, et enfin, en référence à « la classe moyenne », raconté l’histoire d’une conversation entre Colbert et Mazarin, sous Louis XIV. À l’époque, Colbert était le grand argentier et Mazarin le tuteur du jeune roi. La voici, plus ou moins reconstituée :

Colbert : Il nous faut de l’argent, mais nous ne pouvons pas taxer les pauvres plus qu’ils ne le sont déjà.
Mazarin : Oui, c’est impossible.
Colbert : Alors, les riches ?
Mazarin : Les riches non plus. Ils ne dépenseraient plus. Un riche qui dépense fait vivre des centaines de pauvres.
Colbert : Alors, comment fait-on ?
Mazarin : Il y a quantité de Français qui travaillent, rêvant d’être riches et redoutant d’être pauvres ! Ceux-là ! Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser… C’est un réservoir inépuisable.
Ce n’est qu’une anecdote, et interpellé sur l’opportunité d’une augmentation des taxes, le président avait auparavant répondu : « Certainement pas ! »

Par ailleurs, il est revenu sur les méfaits de l’économie de rente qui, a-t-il insisté, est à l’origine de la disparition de la classe moyenne au Liban et de l’énorme endettement de l’État. Sinon, selon le président, entre 1990 et 2015, l’État libanais a presque autant dépensé qu’enregistré de rentrées : 168 milliards de dollars, contre 175 milliards. « Le véritable déficit du Trésor provient des dettes et de l’intérêt de la dette », a-t-il insisté, sans chercher la polémique ni commenter les objections du président de l’ordre, Aouni Kaaki, à ce sujet.

Le chantier de la décentralisation administrative est réservé par le chef de l’État à la prochaine législature. « Nous ferons travailler nuit et jour la commission chargée de sa réalisation », a-t-il promis, non sans lancer, comme à propos, que « ça restera plus facile que les armes du Hezbollah ! ».

Le chef de l’État a, par ailleurs, dit vouloir relancer tous les services publics, à commencer par celui de l’électricité. « Additionnez ce que règle un Libanais au propriétaire du générateur de quartier et sa facture d’électricité, et divisez par deux, vous aurez le coût réel du courant électrique », a-t-il lancé. Et d’affirmer « ne pouvoir expliquer pourquoi » ce problème n’a pu être réglé depuis le temps que le Liban souffre du manque de courant, sinon pour des raisons de pure convenance et de profit.

Au sujet des critiques émises au sujet des décrets délimitant les blocs marins d’exploitation des hydrocarbures, M. Aoun a critiqué ceux qui se sont lancés dans des diatribes anticorruption, affirmant que la loi elle-même avait été approuvée il y a des mois. L’ouverture des plis des adjudications aura lieu en septembre prochain, a-t-il précisé, et le forage commencera en 2018. « Les rentrées de ce secteur serviront, bien sûr, au règlement de la dette du Liban, mais elles ne nous appartiennent pas ; elles sont destinées aux générations à venir », a noté le chef de l’État.

Par ailleurs, le chef de l’État a reçu hier une délégation de l’ordre des avocats du Liban-Nord, l’ancien ministre Charbel Nahas accompagné d’une délégation de la société civile, l’ancien ministre Ibrahim Chamseddine, le président de l’Inspection centrale, un collectif d’avocats hostiles à la loi sur les loyers et enfin une délégation du conseil des auteurs-compositeurs conduite par Oussama Rahbani